Carnet de bord #2 : C'est un bon métier ça, entreprendre à 2 ?
"Choisissez de travailler [avec celui] que vous aimez et vous n'aurez pas à travailler un seul jour de votre vie". Variante de Confucius ;)
Hello à tous,
Je suis ravie de vous retrouver aujourd’hui ! Bienvenue à tous les nouveaux inscrits.
Dans ce carnet de bord, je vous partage une rétrospective de ces 5 dernières années : de 0 à 100 000 commandes, de 1 à 40 salariés, mais aussi de 0 à 3 enfants 🐣 L’aventure vue à travers mes yeux, et ce que j’ai appris au passage :)
Vous pouvez retrouver la première édition ici
Carnet de bord #2
Nous y sommes, 22 juin 2017. Le premier jour du Parcours Entrepreneur de Ticket for Change. Je sors d’un atelier avec Youssef, fondateur de Meet my Mama pour rentrer dans une table ronde avec Arnaud Poissonier, Président fondateur de l’entreprise Babyloan. Arnaud, c’est un pionnier européen du micro-crédit. Autant vous dire que je dois me pincer pour me dire que je suis à 1 mètres de lui, avec la chance de lui poser toutes les questions que je veux.. Tout se passe bien, jusqu’aux dernières minutes de la conférence et ce conseil ultime qu’il donne à l’assemblée : « par contre, quoi que vous fassiez, SURTOUT, n’entreprenez jamais en couple. C’est la fin (quasi) assurée. Je l’ai fait, j’y ai laissé mon premier mariage ».
(…) Gros blanc et regards paniqués avec Pierre, assis à quelques mètres de moi. On allait se marier dans 3 semaines.
Je mentirais si je vous disais que, à cet instant précis, l’idée ne m’a pas traversée de prendre mes jambes à mon cou. J’ai pensé très fort « Mais dans quoi est ce qu’on s’est embarqués tous les deux? »
Parce que la réalité, c’est que les statistiques, elles lui donnent raison à Arnaud : “74% des entrepreneurs considèrent que leur quotidien de chef.fe d’entreprise n’est pas compatible avec une vie de famille”…. nous voilà bien !
Choisir d’entreprendre en couple, c’est quelque chose qui ne laisse jamais indifférent. Je ne compte plus le nombre de « olalala moi je ne pourrais pas ! », ou les « mais vous arrivez à couper!? ». Que ça suscite l’admiration ou l’idée du « tout ce qu’il ne faut surtout pas faire », c’est souvent le premier sujet que les gens mettent sur la table quand ils nous rencontrent. Et je ne vous dis pas quand on ajoute qu’en parallèle de l’ouverture des 5 drives, du supermarché et du passage de 2 à 45 personnes dans l’équipe, on a eu 3 enfants qui ont 3 ans et demi, 2 ans et 4 mois.
Mais finalement quel est le bilan, 5 ans après, d’avoir pris le pari de tout mettre dans le même panier? A refaire, est-ce qu’on le referait?
Je vais commencer par déconstruire deux mythes tout de suite :
non, nous n’avons aucune séparation entre le personnel et le professionnel : oui nous ramenons les désaccords du travail à la maison (nous essayons de ne pas trop faire l’inverse - mais ça a déjà du nous arriver !)
tout ceci est TRÈS loin d’être parfait : 3j/4 si vous passez chez nous entre 18h et 19h, on se croirait au cirque entre les enfants qui déchargent leur journée et nous qui (essayons) de ne pas trop décharger la notre.
Effrayés par les statistiques et les témoignages, nous avons donc démarré notre aventure en écrivant une charte qui régirait notre quotidien de néo-entrepreneur. Et pendant les premières années, j’ai été très stricte avec ça : il fallait la respecter à la lettre. Pas d’écart, ce serait la clef d’une vie équilibrée. Spoiler : la dite vie a repris le dessus. A 2 ce n’était déjà pas évident à suivre, à 3 avec la naissance de Joseph, c’est devenue très difficile, et alors à 4 puis 5…ça a carrément volé en éclat. Il était par exemple devenu impossible de ne pas retravailler le soir à la maison alors qu’il fallait être à 17h45 à la crèche. Il a donc fallu s’adapter.
Je ne crois pas que ce soit particulièrement intéressant de vous partager les règles d’or d’une bonne association. Qui fait quoi, qui bosse où, qui a le pouvoir de décider quoi : il y a déjà un million d’articles en ligne sur les bonnes pratiques.
Mais voilà ce que je retiens, avec 5 ans de recul, du choix d’une vie où tout s’emmêle :
Accepter de ne pas être dans le 50/50 de façon intégriste. Quand on a démarré, on s’astreignait à bosser tous les deux autant l’un que l’autre. Aujourd’hui, on a compris que si on voulait maintenir un semblant de vie de famille, on allait devoir apprendre à surfer les vagues de travail. Parfois c’est Pierre qui doit bosser 70h/semaine. Parce qu’il y a une ouverture, ou une grosse négo. Et à la maison, c’est moi qui compense. Parfois on est dans une grosse période pour le marcom, ou j’ai beaucoup de déplacements à Paris : c’est lui qui assume solo la partie famille pendant plusieurs jours d’affilée.
Avoir une hygiène de vie au cordeau : au quotidien, nous sommes amenés à prendre des décisions impactantes en permanence. On a donc besoin d’avoir la tête fraiche. Pour échanger avec nos partenaires, pour penser les prochaines étapes, pour être disponibles pour l’équipe. Avec 3 enfants en bas âge et des nuits hachées, on ne négocie pas avec l’alimentation (hello les bons produits du Drive tout nu), ni avec le besoin de sommeil. Tant pis pour les grosses soirées, (on les choisit avec beaucoup de précautions). Si on tire trop sur la corde, c’est automatique, l’ambiance entre nous en pâtît.
Pour ne pas avoir de frustrations, on a décidé de ne pas faire dépendre nos choix de vie de “quand ce sera le bon moment”. A chaque fois qu’on a fait un enfant, on nous a dit qu’on était fous. Nous on sait bien que s’il avait fallu attendre un moment stable, on ne les aurait jamais fait. Il allait falloir qu’ils entrent dans l’équation de cette vie particulière qu’on a choisie.
Accepter que l’autre fonctionne différemment (pour moi, c’est le plus dur) : Pierre bosse dans l’urgence, en permanence. Il lui faut cette pression du temps pour avancer. Je suis quelqu’un qui anticipe, qui organise. Je vous laisse imaginer à quel point ça peut faire des étincelles. Sauf qu’on a aussi compris que c’était une vraie richesse. Et que finalement, son flegme apportait autant au projet que mon stress.
Le droit de veto : on a un principe de respect essentiel. On a tellement d’estime l’un pour l’autre que si l’un d’entre nous ne sent pas une décision, une personne ou une étape : on n’y va pas. Même si on n’est pas d’accord.
Et enfin, la règle ultime : accepter que par moment, aucune règle ne soit respectée. Ce qu’on commence à comprendre, c’est que dans un projet comme le notre, il y a des périodes où il faut savoir encaisser une énorme charge de travail, avant un (relatif) retour au calme. Ce sont des périodes où toutes les règles de cadrage maison/travail volent aux éclats. Pendant très longtemps, j’ai eu du mal avec le fait que ça arrive. Aujourd'hui encore, je vis très mal de louper une activité extra-scolaire avec un de nos enfants ou de devoir travailler pendant un congé maternité. Mais je commence à capter que c’est cyclique. Et que reviendra un moment où Le Drive tout nu sera moins omniprésent à la maison, où je n’y penserai pas tous les soirs en me couchant, où je ne travaillerais plus alors que les enfants dînent à côté. La seule chose à laquelle on ne déroge jamais, c’est notre café du vendredi matin en ville, tous les deux. 1h30 ensemble. On parle travail. Ou pas. Mais ça, ça ne saute pas.
Alors voilà, c’est loin d’être parfait. On s’engueule parfois. On court partout, tout le temps. Mais c’est la vie qu’on a choisie, et même si j’en doute par moment, je crois que cette vie nous va bien. Entreprendre à deux, c’est vrai, c’est risqué. Et c’est difficile. Mais quand je vois par ailleurs la joie et la fierté que nous partageons de vivre ces moments uniques tous les deux, ça vaut toutes les portes qu’on s’est prises pour ce choix de vie là :)
C’est tout pour aujourd’hui, et j’espère que cette newsletter vous a plu ! Si c’est le cas, n’hésitez pas à la partager autour de vous !
Dans les prochaines éditions :
Carnet de bord #3 : la plus grosse crise qu’on ait jamais traversée et comment on s’en est sortis !
Carnet de bord #4 : La petite histoire du nom de l’entreprise : pourquoi il faut toujours écouter les avis (mais pas toujours les suivre!)
A vos questions
Je vous l’avais promis : chaque semaine, vous avez la possibilité de me poser une question sur l’aventure, à la quelle je répondrai désormais dans le Carnet de bord suivant!
Le Post-Scriptum
Pierre et moi venons d’ouvrir le capital du Drive tout nu. Pour les personnes que cela intéresse, vous pouvez vous inscrire (sans engagement!!) sur Crowdcube, afin de recevoir toutes les informations et d’avoir accès aux parts en avant-première !
On se retrouve la semaine prochaine. D’ici là prenez soin de vous !
Salomé